Le patron exigeant de Fresh Sound New Talent, le catalan Jordi Pujol, en entendant jouer Julien Brunetaud à Barcelone, a reconnu une manière rare chez un jeune musicien actuel, du jazz soul, une approche de styles précise et experte.

C’est une couleur particulière qui s’entend immédiatement dans le nouvel album du pianiste “Feels like home”. Le titre de l’album sonne comme une évidence : on est en terrain de connaissance, rien à dire, Julien Brunetaud connaît ses classiques et l’art du piano en trio, il le maîtrise d’Errol Garner à Nat King Cole, sans oublier McCoy Tyner ou Oscar Peterson. S’il ne chante plus comme sur ses précédents albums, son piano le remplace. Venu s’installer à Marseille, il y a 3 ans, alors qu’il est originaire comme le batteur Mathieu Chazarenc d’Agen, il y a pris ses marques. Et ne se sent pas du tout “exilé” comme l’écrivait un journaliste de Sud Ouest! Comme tous les néo-arrivants, il y est heureux, d’autant que, pas fou, il a choisi de s’installer en bord de mer, dans le quartier animé de la Pointe Rouge, tout près des plages et des calanques. Deux de ses compositions font d‘ailleurs référence à la Méditerranée, “Red’s Point” (!) et “Le Grand Bleu”, peut être la seule mélodie plus mélancolique, qui nous prend à revers.

De l’aisance et de la fluidité, une légèreté sans aucune facilité, toute la beauté de musiques qui font dériver loin des ennuis quotidiens. Julien Brunetaud aime le blues, il vient de là, première constatation. Il raconte que c’est le pianiste chicagoan Otis Spann, accompagnateur de Muddy Waters qui lui a donné envie d’apprendre le piano. Et pas la guitare. Le blues comme une approche simple pour se lancer dans l’improvisation, jouer modal sur tout un morceau.

Il a acquis une belle expérience en faisant le métier sur les routes, en accompagnateur de l‘harmoniciste Nico Wayne Toussaint, dans la grande tradition de la musique américaine. On croirait entendre un vieux routier des clubs outre atlantique, tant son toucher est ferme avec une redoutable maestria dans les attaques. Il connaît les standards et cela s’entend, même si ce CD, son 5 ème, est composé de dix compositions originales et d’une seule reprise de “Let it be”, suffisamment arrangée par ses soins pour que l’on ne pense pas trop à l’original.

De la fusion rhythm & blues, soul et jazz, il se tourne vers la pop et le funk et cet univers composite ne lui fait pas peur. Il connaît aussi le boogie “Emma’s smile”, le stride, et avec ses comparses, ils arrivent à improviser, atteignant la véritable essence de cette musique; dans “Garfield’s groove”, ça joue, ça chante, on entend comme des effluves de Francis Lai, ce qui ferait une B.O de rêve. “Sael” est un portrait lumineux, une très jolie mélodie, une chanson délicate comme celles que savait écrire Trenet, subtil équilibre entre rêve de vie et joie de vivre!

Privilégiant le rythme autant que la mélodie, Julien Brunetaud arrive à un compromis idéal avec un trio soudé favorisant l’échange, multipliant à l’envi des fragments de citations, comme des petit bouts rimés, avec un entrain communicatif “Nola”

Le montage est habile, la musique gagne en intensité, allant crescendo sans qu’aucune chanson ne se ressemble, emportant tout en un tourbillon enivrant. Le dernier titre commence comme une attaque de Mc Coy, une tournerie légère et rapide.

Julien Brunetaud a trouvé les partenaires idéaux et du cru, qui savent s’adapter à toutes circonstances. Sam Favreau à la contrebasse a cette solidité terrienne qui en fait le pilier du groupe et Cédrick Bec, léger, voire aérien aux balais, drive de façon enjouée et rebondissante.

Il faut absolument l’écouter en live ce groupe, il “mettra le feu”, ce trio; et si cet album ne vous rend pas euphorique, ne cherchez plus d’excuse, votre cas est sérieux, consultez ou allez-vous faire vacciner! »

Sophie Chambon (9 Avril, 2021)
http://notesdejazz.unblog.fr



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